Alors que l’Ukraine se bat sur plusieurs fronts, de Donetsk à Koursk, Kiev exprime de vives inquiétudes face à la présence croissante de troupes biélorusses à sa frontière nord. Ce développement suscite des questions : la Biélorussie, jusqu’ici alliée passive de la Russie, est-elle sur le point de s’impliquer directement dans le conflit ?
Dimanche, l’Ukraine a tiré la sonnette d’alarme, évoquant la concentration inquiétante de forces militaires biélorusses à proximité de ses frontières. Kiev suspecte que ces troupes, soutenues par des éléments de la milice Wagner, pourraient être utilisées pour intensifier les hostilités. Cette montée en puissance est perçue comme un geste hostile qui pourrait mener à une “erreur tragique”, selon les autorités ukrainiennes.
En février 2022, la Biélorussie avait déjà servi de base arrière pour les forces russes lors de leur invasion de l’Ukraine, plaçant ainsi Minsk dans une position de co-belligérant aux yeux de nombreux observateurs. Désormais, avec la situation militaire qui se crispe, la question se pose : Minsk se prépare-t-il à franchir un pas de plus ?
Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, est connu pour sa diplomatie à double tranchant. D’une part, il cherche à se montrer fidèle à la Russie, dont le soutien économique et politique est vital pour son régime. D’autre part, il tente d’apaiser les tensions en lançant des appels à la paix, tout en ménageant sa population, majoritairement opposée à une implication directe dans le conflit. Cette ambivalence s’est illustrée le 24 août dernier, jour de l’indépendance de l’Ukraine vis-à-vis de l’URSS, lorsque Loukachenko a adressé un message de félicitations à Kiev, insistant sur l’amitié entre les deux peuples.
Cette posture ambiguë est cependant de plus en plus difficile à maintenir. Selon Carole Grimaud, spécialiste de la Russie, Loukachenko doit composer avec des pressions croissantes de Moscou, tout en évitant de susciter des troubles internes qui pourraient fragiliser davantage son régime, déjà ébranlé par les contestations de 2020.
Malgré ces mouvements militaires, les experts estiment que la Biélorussie ne possède pas les moyens nécessaires pour s’engager efficacement dans une guerre ouverte contre l’Ukraine. Avec une armée d’environ 60 000 hommes, largement destinée à la protection du régime, Minsk ne semble pas en position de peser significativement sur le champ de bataille. En outre, la Biélorussie a déjà envoyé une partie de son arsenal à la Russie, affaiblissant ainsi ses propres capacités militaires.
Pour certains observateurs, la présence accrue de troupes biélorusses à la frontière pourrait relever davantage de la guerre psychologique que d’une réelle intention de s’engager militairement. Loukachenko pourrait ainsi chercher à soutenir l’effort russe en intimidant Kiev et en essayant de détourner l’attention des avancées ukrainiennes sur le territoire russe. En déplaçant des troupes, Minsk tente peut-être simplement de rappeler sa loyauté à Moscou, tout en évitant une confrontation directe.
À ce jour, les autorités ukrainiennes restent sceptiques quant à la possibilité d’une nouvelle offensive venant du nord. Pour elles, il semble que la Biélorussie continue de jouer la carte de la prudence, évitant soigneusement de franchir le point de non-retour.
La situation à la frontière biélorusse est loin d’être clarifiée, et l’ambiguïté de la politique de Loukachenko laisse la porte ouverte à diverses interprétations. Alors que Kiev continue de repousser les forces russes, la question demeure : jusqu’où Minsk est-il prêt à aller pour soutenir son puissant allié ? La réponse pourrait dépendre autant de la résistance ukrainienne que de la capacité de Loukachenko à préserver son fragile équilibre politique.