Robert F. Kennedy Jr, prochain ministre de la Santé désigné par Donald Trump, a annoncé son intention de mettre un terme à la fluorisation de l’eau potable aux États-Unis. Cette décision, qui pourrait bouleverser une pratique établie depuis près de 80 ans, suscite de vives controverses parmi les experts de santé publique.
Une pratique historique sous le feu des critiques
Depuis 1945, le fluor est ajouté à l’eau potable aux États-Unis afin de prévenir les caries dentaires. Ce complément a permis de réduire significativement l’incidence de cette maladie, en renforçant l’émail des dents face aux attaques acides. Toutefois, cette mesure est aujourd’hui dans le collimateur de Robert F. Kennedy Jr, connu pour ses positions controversées sur des sujets scientifiques.
Dans son programme « Make America Healthy Again », Kennedy dénonce des risques présumés liés au fluor, allant de troubles neurologiques à des maladies de la thyroïde. Ces affirmations, largement remises en cause par la communauté scientifique, rappellent les théories complotistes des années 1950, où l’ajout de fluor à l’eau était présenté comme une tentative d’empoisonnement communiste.
Les réponses des experts
Selon Patrick Baudot, chirurgien-dentiste, « aucune étude rigoureuse ne démontre un lien direct entre le fluor et les problèmes de santé évoqués par Kennedy ». Il rappelle que les risques associés à cette substance concernent surtout des doses excessives, pouvant entraîner une fluorose dentaire, une condition caractérisée par des taches sur l’émail. Cependant, aux doses actuellement employées dans l’eau potable, ces effets secondaires sont rares et largement compensés par les bénéfices préventifs.
Christophe Lequart, porte-parole de l’Union française pour la santé bucco-dentaire, souligne que la confusion entre différentes formes de fluor contribue à alimenter les craintes. « Le fluor des dentifrices ou de l’eau potable est radicalement différent de celui présent dans certains produits industriels, comme les revêtement antiadhésifs ou les farts de ski », précise-t-il.
Des conséquences potentielles pour les populations vulnérables
Au-delà des débats scientifiques, la fin de la fluorisation pourrait accentuer les inégalités sociales en matière de santé bucco-dentaire. Dans un système où l’accès aux soins dépend souvent de la couverture d’assurances privées, les ménages les plus précaires risquent d’être les premiers touchés. « Sans cette mesure de prévention, on peut s’attendre à une hausse des caries chez les populations les plus démunies, qui n’ont pas accès à des traitements préventifs comme les vernis fluorés », prévient Lequart.
Un équilibre fragile
Les professionnels de santé insistent sur la nécessité d’un usage mesuré du fluor. En France, où l’eau potable n’est pas fluorée, la prévention repose essentiellement sur l’utilisation de dentifrices enrichis en fluor et un brossage biquotidien des dents. L’Organisation mondiale de la santé rappelle que les caries dentaires restent la maladie non transmissible la plus répandue dans le monde, mettant en lumière l’importance des mesures préventives.
Alors que l’administration américaine s’apprête à réexaminer cette politique de santé publique, les experts redoutent que cette décision ne compromette des décennies de progrès en matière de santé bucco-dentaire.