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Face à sa « diabolisation », LFI reste inflexible sur sa stratégie

« Ah c’est clair ! Ils seraient incontournables ». La réponse claque comme une évidence pour ce chef à plume socialiste : si Jean-Luc Mélenchon et les insoumis mettaient quelques gouttes d’eau dans leur vin, seraient-ils les rois du pétrole ? La question stratégique occupe, obsède, vampirise même depuis des mois la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Avec ce constat : alors que les six premiers mois de 2023 se sont joués sur le terrain économique et social, avec un mouvement contre la réforme des retraites si non couronné de succès, du moins populaire, la gauche n’en ressort pas renforcée. Si l’on s’en tient aux intentions de vote en cas de législatives, ou pour une liste Nupes aux européennes, l’aiguille ne bouge pas… depuis un an. La Nupes navigue entre 25 et 26 %, comme lors des élections législatives de juin 2022.

Selon Jean-Luc Mélenchon, se retrouver dans cette situation après un an qui, c’est vrai, n’a pas été de tout repos, tient plutôt du miracle. Pour les insoumis, c’est le bashing permanent des macronistes, de l’extrême droite et des médias qui provoque le sur-place de la Nupes. Et on préfère voir le verre à moitié plein : depuis des mois, alors que les macronistes se sont tassés et que le RN progresse un peu, c’est la Nupes qui est en tête des intentions de vote. C’est un fait, mais qui ne correspond pas forcément à la dynamique politique du moment.

« On a tous une étiquette dans le dos »
La majorité, en premier lieu, a très bien joué le coup dès le lendemain des législatives. « On a réussi à leur coller l’étiquette des bordélisateurs, des obstructeurs, se félicitait, il y a déjà plusieurs mois, un député macroniste parisien. Et ça va leur coller à la peau. Un peu comme quand eux nous avaient collé l’étiquette des amateurs en 2017, ça avait bien marché aussi… »

Depuis, la situation s’est considérablement aggravée pour la Nupes, au point que certains et certaines voient l’alliance de la gauche comme diabolisée, voire plus répulsive que l’extrême droite. « La stratégie de diabolisation de la part d’un pouvoir aussi détesté, je ne suis pas sûre que cela fonctionne », ironise Mathilde Panot. La présidente du groupe LFI à l’Assemblée se réfugie alors derrière les 70 pages du bilan de sa formation lors de cette première année de mandature. Sauf que de ce travail-là, rien n’émerge médiatiquement.

« A partir du moment où l’idée du bordel est le sous-titre qui est mis à tout ce qu’on fait par les macronistes ou le RN, ça nuit. C’est peut-être injuste, mais ça nuit politiquement », croit un insoumis, estimant que son groupe est désormais contraint au changement de braquet. « On a tous une étiquette sur le dos, c’est une figure classique de la vie politique, balayait Jean-Luc Mélenchon début juin. Après, la question qui est posée, c’est de savoir si ça sert ou dessert. Or, pour nous, l’enjeu numéro 1, c’est l’adhésion populaire. »

Garder le contact
Cette adhésion passe par la stratégie du « On est là ». « Nous, on maintient la flamme, on est là, quoi qu’il arrive, explique Manuel Bompard, le coordinateur de LFI. Dès qu’on a une opportunité, on essaye de créer les conditions de la mobilisation. Parfois on est 300, parfois 3 millions, mais on est là. » Être ce repère, ce haut-parleur au volume max, c’est d’après lui la condition pour garder le contact avec les classes populaires. Des classes populaires qu’il estime, non sans raison, avoir en partie ramenées aux urnes et vers la gauche en 2017, et surtout en 2022. Et tant pis si la bourgeoisie de gauche râle et s’éloigne, elle reviendra voter utile en temps voulu : Manuel Bompard « assume de dire que c’est avec les classes populaires qu’il ne faut pas perdre le contact. Car si vous les perdez, vous les perdez pour vingt ans ! »

Ailleurs à gauche, certains souscrivent à l’injustice du bashing des insoumis. Et relativisent : « c’est le grand truc de la droite française depuis longtemps, le PS l’a connu avant 1981 : à leurs yeux, la gauche est illégitime à gouverner le pays »). Mais on trouve cette analyse un brin manichéenne. Et on ne croit pas que le chemin de la Nupes vers la victoire passe par la « simple » mobilisation des abstentionnistes des classes populaires. « Il faut solidifier notre socle, puis aller voir du côté de la gauche qu’on n’a pas convaincue, puis enfin du côté de l’électorat au centre, qui jadis permit au PS de gouverner ce pays. »

Double jeu ?
Forts de leurs 19 % en 2017, et de leurs 22 % en 2022, les insoumis n’en sont pas là et sortent l’argument d’autorité électorale. Et puis il ne faudrait pas donner raison à François Ruffin, lui aussi favorable stratégie plus mezzo voce. Pire : « Ils sont bravaches ! On a l’impression que plus on leur fait des remarques sur leur comportement, plus ils insistent », remarque un cadre socialiste fataliste. À tel point que certains se demandent si ce n’est pas la preuve que Jean-Luc Mélenchon veut se débarrasser de la Nupes, qui l’entraverait en vue de 2027.

« Oui il en a marre, juge un député socialiste. Il ne veut pas être Mitterrand, il veut être Jaurès, il veut être le leader intellectuel de la gauche. » « Quand il cite Adrien Quatennens dans les candidats à sa succession, il n’y croit pas. Il signifie juste qu’il n’en a rien à faire de la Nupes. Que c’est lui le patron. C’est de la pure provoc ! », analyse un député insoumis un peu dépité, mais loyal. « Je trouve incroyable que ceux qui veulent l’union tout le temps, à commencer par les européennes, soient vus comme ceux qui veulent casser l’union ! », s’insurge Mathilde Panot et bien d’autres insoumis. Peut-être qu’en la matière, comme avec la stratégie du « on est là », qui trop embrasse mal étreint.